Une campagne océanographique, c’est collecter des mesures in situ !

A l’ère des nombreuses missions satellites d’observation de la Terre, aller en mer pour mesurer des paramètres de l’état des océans peut apparaître comme une activité de moindre importance. Cependant, tout en se rappelant que les signaux émanant des satellites sont principalement réfléchis par la surface de la mer, il existe une raison plus fondamentale qui a été résumée ainsi dans le traité d’océanographie physique de Jules Rouch, et qui attire
l’attention du lecteur sur le fait que « l’océanographie physique, on ne saurait trop insister, est une science expérimentale. C’est l’expérience, la mesure, la mesure in situ, en plein océan, qui doit dire le premier mot, et aussi le dernier. Toute théorie qui n’est pas basée sur l’expérience, ou confirmée par elle, n’est qu’un exercice de l’esprit, sans portée réelle.
Gardons nous de faire de l’océanographie sans explorer la mer… »
. Cet état de fait est de facto encore plus exacerbé lorsque l’on s’intéresse à la chimie, la biologie et la biogéochimie des océans. Si on cherche à estimer et comprendre l’état de l’océan dans toute sa complexité il devient impératif d’observer ces différents paramètres sur place, in situ* par conséquent.

Relevé du premier mouillage dérivant déployé lors de la campagne en mer AMOP, dédié à l’étude in situ du paramètre de l’oxygène dissous. De gauche à droite,
Carl Gojak et Dominique Lefèvre du MIO et Jean-Michel Simon de GENAVIR en train de dé-gréer le système de mesure IODA (in situ O2 dynamics auto-analyzer).
©Joël Sudre

Afin de comprendre les processus impliqués dans la désoxygénation des océans et la possible extension des zones de minimum d’oxygène (ZMO), telles que celle qui est localisée au large des côtes du Pérou, le projet de la campagne AMOP se propose de collecter un grand nombre de paramètres sur le comportement physique, chimique, biogéochimique et biologique de ces eaux. Il s’agit ici non seulement de mesurer ce qui se passe à la surface mais aussi de pouvoir accéder aux comportements et à la variabilité de ce qui se passe dans la colonne d’eau (de l’ordre de quelque centaines à plus de 2000 m de profondeur). Pour atteindre ces objectifs, il existe plusieurs moyens dans la panoplie de l’océanographe, et celui des mouillages représente l’un des outils fondamentaux et uniques ; en effet ceux-ci permettent d’obtenir une série temporelle très fine des différents paramètres d’intérêt et
ceci sur plusieurs profondeurs. Dans le cadre de la campagne AMOP, des déploiements successifs d’un mouillage dit « dérivant » (comprendre sans lest au fond ni forme de rattachement au navire) sont réalisés. Il s’agit ici de répartir les appareils de mesure à des points clés le long du câble (en fonction du paramètre d’intérêt) et, après mise à l’eau, de
laisser dériver cette ligne instrumentée au gré des courants marins. Après avoir assuré la flottabilité de l’ensemble de la ligne les mesures sont automatiquement enregistrées par les instruments gréés sur la ligne et les données sont acquises à la récupération de l’ensemble sur le navire.

Préparation de la ligne de mouillage
dérivant mise à l’eau en janvier 2014
lors de la campagne AMOP au large
des côtes du Pérou.

©Oscar Vergara

Bien entendu, comme le montrent les photos, l’aide et le savoir faire de tout l’équipage sont des facteurs indispensables pour assurer la mise à l’eau et la récupération de toute la ligne à bord, avec des conditions de sécurité pour le matériel et pour tous les membres de l’équipage, marins et scientifiques, qui soient optimales.


(*) in situ est une expression latine qui signifie sur place ; elle est utilisée en général pour désigner une opération ou un phénomène observé sur place, à l’endroit où il se déroule.

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