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Variations du niveau marin dans le Golfe du Mexique : effets à long terme du Loop Current et de la dynamique méso-échelle
mars 18 @ 14h00 - 17h00
– Gabriel Thirion, Doctorant LEGOS –
Résumé :
L’altimétrie spatiale a révélé une hausse globale du niveau marin (sea level, SL) de ~3,4 mm an-1 au cours des trois dernières décennies sous l’effet de deux processus principaux : l’apport de masse issue de la fonte des glaces et l’expansion thermique de l’eau de mer (effet thermostérique). Au niveau régional toutefois, il existe de grandes différences par rapport à la moyenne mondiale, surtout liées aux variations spatialement hétérogènes du contenu thermique et de salinité, ainsi qu’à des spécificités dynamiques locales. Dans le Golfe du Mexique (GoM), zone fortement peuplée et abritant un large éventail d’activités humaines, les études sur les tendances du SL se sont surtout focalisées sur les zones côtières, s’appuyant sur les données des marégraphes installés en majorité le long des côtes américaines. L’influence de la dynamique océanique sur les trends du SL dans la région reste ainsi à étudier. Le Loop Current (LC), qui fait partie du système de courants de bord ouest de l’Atlantique Nord, est la principale caractéristique dynamique du GoM. À intervalles irréguliers, il éjecte des tourbillons anticycloniques de grande taille (<400 km) appelés Loop Current Eddies (LCE), dont on estime qu’ils jouent un rôle prépondérant dans la régulation des propriétés physiques du bassin. Des études de modélisation récentes suggèrent toutefois que le LC pourrait fortement ralentir au cours du 21e siècle, ce qui risquerait d’altérer les propriétés de l’eau et les tendances à long terme du SL régional. Cette thèse étudie les variations à long terme du SL dans le GoM pour la période 1993-2021, et leurs causes possibles, en utilisant l’altimétrie spatiale, les observations Argo, et trois ensembles de simulations numériques issues d’une configuration au 1/12° du modèle NEMO. Nos analyses des données altimétriques montrent une baisse de ~11% de la vitesse de surface du LC depuis 1993, ainsi qu’une tendance à la hausse du SL 44% plus élevée dans le GoM que dans l’océan global. Cette tendance s’accélère même nettement au cours de la période 2010-2020, alors que les données Argo pointent dans le même temps un réchauffement moyen culminant à 1,1°C dans la couche 0-500 m du GoM, cause d’un effet thermostérique significatif. Afin d’évaluer si les variations du LC telles qu’une diminution de son transport pourraient influer sur les tendances à long terme du SL dans le GoM, nous avons mené des expériences numériques sur la sensibilité du SL régional aux trends du transport. Dans ces simulations, le courant prescrit aux limites latérales du domaine est modulé pour varier de +20% à -20% de son niveau réel sur la période 1993-2021. Nos résultats montrent une réponse linéaire du SL moyen dans la zone offshore ouest du GoM à mesure que le transport baisse, avec un trend de +7,4 mm de hausse par Sverdrup de transport perdu, alors que la valeur correspondante pour la mer des Caïmans adjacente n’est que de +0,3 mm Sv-1. Nos résultats indiquent aussi une sensibilité similaire du stockage du contenu thermique dans le GoM à la tendance du transport (i.e. une augmentation du stockage de chaleur avec la baisse du trend de long terme du courant), mise en lumière par un approfondissement important des isothermes moyennes. Alors que d’autres simulations effectuées montrent que le forçage atmosphérique local et la stochasticité intrinsèque des LCE ont peu d’effet sur la tendance du SL à long terme, l’influence des tourbillons croît du fait de l’effet thermostérique induit par l’augmentation des quantités de chaleur qu’ils apportent au GoM. Dans notre scénario de baisse du courant le plus défavorable (-20% de réduction du trend), plusieurs dizaines de mm de hausse régionale du SL causée par les LCE viennent s’ajouter à la hausse du SL global. Cependant nos résultats montrent que les apports de chaleur des LCE n’expliquent pas entièrement les changements du SL associés aux trends du transport du LC, ni l’augmentation du contenu thermique du GoM, qui est même freinée par des pertes de chaleur accrues au profit de l’atmosphère. D’autres processus dynamiques restent ainsi à identifier.
Jury :
- Eric Chassignet, Rapporteur, Université de Floride
- Nicolas Kolodziejczyk, Rapporteur, Université de Bretagne Occidentale
- Anny Cazenave, Examinatrice, CNRS
- Thomas Meunier, Examinateur, Université de Floride
- Florence Birol, Directrice de thèse, Université de Toulouse
- Julien Jouanno, Co-directeur de thèse, IRD